peux faire n’a pas le moindre attrait pour moi. — Tibère, Caligula, Néron, grands Romains de l’empire, ô vous que l’on a si mal compris, et que la meute des rhéteurs poursuit de ses aboiements, je souffre de votre mal et je vous plains de tout ce qui me reste de pitié ! Moi aussi je voudrais bâtir un pont sur la mer et paver les flots ; j’ai rêvé de brûler des villes pour illuminer mes fêtes ; j’ai souhaité d’être femme pour connaître de nouvelles voluptés. — Ta maison dorée, ô Néron ! n’est qu’une étable fangeuse à côté du palais que je me suis élevé ; ma garde-robe est mieux montée que la tienne, Héliogabale, et bien autrement splendide. — Mes cirques sont plus rugissants et plus sanglants que les vôtres, mes parfums plus âcres et plus pénétrants, mes esclaves plus nombreux et mieux faits ; j’ai aussi attelé à mon char des courtisanes nues, j’ai marché sur les hommes d’un talon aussi dédaigneux que vous. — Colosses du monde antique, il bat sous mes faibles côtés un cœur aussi grand que le vôtre, et, à votre place, ce que vous avez fait je l’aurais fait et peut-être davantage. Que de Babels j’ai entassées les unes sur les autres pour atteindre le ciel, souffleter les étoiles et cracher de là sur la création ! Pourquoi donc ne suis-je pas Dieu, — puisque je ne puis être homme ?
Oh ! je crois qu’il faudra cent mille siècles de néant pour me reposer de la fatigue de ces vingt années de vie. — Dieu du ciel, quelle pierre roulerez-vous sur moi ? dans quelle ombre me plongerez-vous ? à quel Léthé me ferez-vous boire ? sous quelle montagne enterrerez-vous le Titan ? Suis-je destiné à souffler un volcan par ma bouche et à faire des tremblements de terre en me changeant de côté ?
Quand je pense à cela, que je suis né d’une mère si douce, si résignée, de goûts et de mœurs si simples, je