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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

encore, car il est enfoui dans la verdure comme un nid d’oiseau, sans trop se presser toutefois et se détournant assez souvent pour aller visiter un ruisseau et une fontaine, un kiosque élégant ou un beau point de vue, passant et repassant la rivière sur des ponts chinois ou rustiques. — L’inégalité du terrain et les batardeaux élevés pour le service du moulin font qu’en plusieurs endroits la rivière a des chutes de quatre à cinq pieds de hauteur, et rien n’est plus agréable que d’entendre gazouiller toutes ces cascatelles à côté de soi, le plus souvent sans les voir, car les osiers et les sureaux qui bordent le rivage y forment un rideau presque impénétrable ; mais toute cette portion du parc n’est en quelque sorte que l’antichambre de l’autre partie : une grande route qui passe au travers de cette propriété la coupe malheureusement en deux, inconvénient auquel on a remédié d’une manière fort ingénieuse. Deux grands murs crénelés, remplis de barbacanes et de meurtrières imitant une forteresse ruinée, se dressent de chaque côté de la route ; une tour où s’accrochent des lierres gigantesques, et qui est du côté du château, laisse tomber sur le bastion opposé un véritable pont-levis avec des chaînes de fer qu’on baisse tous les matins. — On passe par une belle arcade ogive dans l’intérieur du donjon, et de là dans la seconde enceinte, où les arbres, qui n’ont pas été coupés depuis plus d’un siècle, sont d’une hauteur extraordinaire, avec des troncs noueux emmaillotés de plantes parasites, et les plus beaux et les plus singuliers que j’aie jamais vus. Quelques-uns n’ont de feuilles qu’au sommet, et se terminent en larges ombrelles ; d’autres s’effilent en panaches : — d’autres, au contraire, ont près de leur tige une large touffe, d’où le tronc dépouillé s’élance vers le ciel comme un second arbre planté dans le pre-