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MADEMOISELLE DE MAUPIN.
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vouloir te faire descendre jusqu’à moi : j’ai eu peur de te perdre dans les nuages, et j’ai craint que ta tête ne me dérobât ton cœur. — Je t’ai emprisonné dans mon amour, et j’ai cru, en me donnant à toi tout entière, que tu en garderais quelque chose…

Moi.

Rosette, recule-toi un peu ; ta cuisse me brûle, — tu es comme un charbon ardent.

Rosette.

Si je vous gêne, je vais me lever. — Ah ! cœur de rocher, les gouttes d’eau percent la pierre, et mes larmes ne te peuvent pénétrer. (Elle pleure.)

Moi.

Si vous pleurez comme cela, vous allez assurément changer notre lit en baignoire. — Que dis-je, en baignoire ? en océan. — Savez-vous nager, Rosette ?

Rosette.

Scélérat !

Moi.

Allons, voilà que je suis un scélérat ! Vous me flattez, Rosette, je n’ai point cet honneur : je suis un bourgeois débonnaire, hélas ! et je n’ai pas commis le plus petit crime ; j’ai peut-être fait une sottise, qui est de vous avoir aimée éperdument : voilà tout. — Voulez-vous donc à toute force m’en faire repentir ? — Je vous ai aimée, et je vous aime le plus que je peux. Depuis que je suis votre amant, j’ai toujours marché dans votre ombre : je vous ai donné tout mon temps, mes jours et mes nuits. Je n’ai point fait de grandes phrases avec vous, parce que je ne les aime qu’écrites ; mais je vous ai donné mille preuves de ma tendresse. Je ne vous par-