que dans ce moment-là je ne songeais guère si j’étais moi ou un autre. Nous allâmes ainsi jusqu’au bout de l’allée, où un bruit de pas nous fit reprendre brusquement notre position ; c’étaient des gens de connaissance aussi à cheval qui vinrent à nous et nous parlèrent. Si j’avais eu des pistolets, je crois que j’aurais tiré sur eux.
Je les regardais d’un air sombre et furieux, qui aura dû leur paraître bien singulier. — Après tout, j’avais tort de me mettre si fort en colère contre eux, car ils m’avaient rendu, sans le vouloir, le service de couper mon plaisir à point, au moment où, par son intensité même, il allait devenir une douleur ou s’affaisser sous sa violence. — C’est une science que l’on ne regarde pas avec tout le respect qu’on lui doit, que celle de s’arrêter à temps. — Quelquefois, en étant couché avec une femme, on lui passe le bras sous la taille : c’est d’abord une grande volupté de sentir la tiède chaleur de son corps, la chair douce et veloutée de ses reins, l’ivoire poli de ses flancs et de refermer sa main sur sa gorge qui se dresse et frissonne. — La belle s’endort dans cette position amoureuse et charmante ; la cambrure de ses reins devient moins prononcée ; sa gorge s’apaise ; son flanc est soulevé par la respiration plus large et plus régulière du sommeil ; ses muscles se dénouent, sa tête roule dans ses cheveux. — Cependant votre bras est plus pressé, vous commencez à vous apercevoir que c’est une femme et non pas une sylphide : — mais vous n’ôteriez votre bras pour rien au monde, il y a beaucoup de raisons pour cela : la première, c’est qu’il est assez dangereux de réveiller une femme avec qui l’on est couché ; il faut être en état de substituer au rêve délicieux qu’elle fait sans doute une réalité encore plus délicieuse ; la seconde, c’est qu’en la priant de se soulever pour retirer votre bras, vous lui dites d’une manière