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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

amalgament avec un sérieux digne d’éloges les Actes des Apôtres et les décrets de la sainte convention, c’est l’épithète sacramentelle ; d’autres y ajoutent, pour dernier ingrédient, quelques idées saint-simoniennes. — Ceux-là sont complets et carrés par la base ; après eux, il faut tirer l’échelle. Il n’est pas donné au ridicule humain d’aller plus loin, — has ultra metas…, etc. Ce sont les colonnes d’Hercule du burlesque.

Le christianisme est tellement en vogue par la tartuferie qui court que le néo-christianisme lui-même jouit d’une certaine faveur. On dit qu’il compte jusqu’à un adepte, y compris M. Drouineau.

Une variété extrêmement curieuse du journaliste proprement dit moral, c’est le journaliste à famille féminine.

Celui-là pousse la susceptibilité pudique jusqu’à l’anthropophagie, ou peu s’en faut.

Sa manière de procéder, pour être simple et facile au premier coup d’œil, n’en est pas moins bouffonne et superlativement récréative, et je crois qu’elle vaut qu’on la conserve à la postérité, — à nos derniers neveux, comme disaient les perruques du prétendu grand siècle.

D’abord pour se poser en journaliste de cette espèce, il faut quelques petits ustensiles préparatoires, — tels que deux ou trois femmes légitimes, quelques mères, le plus de sœurs possible, un assortiment de filles complet et des cousines innombrablement. — Ensuite il faut une pièce de théâtre ou un roman quelconque, une plume, de l’encre, du papier et un imprimeur. Il faudrait peut-être bien une idée et plusieurs abonnés ; mais on s’en passe avec beaucoup de philosophie et l’argent des actionnaires.

Quand on a tout cela, l’on peut s’établir journaliste moral. Les deux recettes suivantes, convenablement variées, suffisent à la rédaction.

Modèles d’articles vertueux sur une première représentation.

« Après la littérature de sang, la littérature de fange ; après la Morgue et le bagne, l’alcôve et le lupanar ; après les guenilles tachées par le meurtre, les guenilles tachées par la débauche ; après, etc. (selon le besoin et l’espace, on peut conti-