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les jambes et la tête un peu tournée vers l’épaule, paraissait lancer un coup d’œil farouche à mademoiselle Damé de Boisfleury, placée précisément en face d’elle. La sévère épouse de Jupiter n’a jamais aimé les nymphes de conduite suspecte.

La table était posée au milieu de cette immense salle, sur un tapis de Smyrne, car bien qu’on touchât à la fin du printemps, la mosaïque du plancher eût été froide aux pieds des convives. Dafné avait à sa droite le pair d’Angleterre, qui portait majestueusement ses onze lustres, et gardait cette verdeur des vieillards anglais conservés par une grande vie et une hygiène supérieure ; à sa gauche Lothario, le jeune prince romain. C’était un jeune homme mince et nerveux, plutôt petit que grand, au teint pâle, le visage entouré d’une étroite ligne de favoris très noirs, qui allaient rejoindre une petite barbe fine, soyeuse et lustrée comme de l’ébène qui n’avait pas beaucoup d’années