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Il s’agissait le plus souvent d’un jeu nouveau qu’elle imaginait. Avec un partenaire tel que moi, on peut penser que nos jeux n’étaient pas ordinaires.

— Balance-moi ! criait-elle.

Alors je repliais un peu ma trompe en dedans de façon à lui faire une sorte de fauteuil vivant qui la serrait légèrement pour qu’elle ne pût pas tomber, et, doucement, je la balançais. Son rire perlé s’égrenait sans cesse, mais elle était insatiable :

— Plus fort ! plus fort !

Et j’accélérais le mouvement, l’élargissant, jusqu’au moment où, jugeant le jeu dangereux, je m’arrêtais.

Alors elle se fâchait, me battait. Mais ses tendres menottes se meurtrissaient aux rugosités de ma peau ; elle s’arrêtait avec une vague envie de pleurer et disait :

— Méchant ! tu piques.

Pour la consoler, j’allais vers la fontaine, où elle me suivait en battant des mains.

— Oui ! oui ! fais le jet d’eau, disait-elle.

Cela consistait à absorber une énorme quantité d’eau (nous en pouvons amasser dans notre estomac un volume incroyable) et, la trompe haute, à la rejeter en gerbes, en pluie, en tourbillons. Le soleil jouait dans les gouttelettes, les irisait, les faisait étinceler.

La tête levée, les yeux extasiés, Parvati regardait. Elle ne riait pas, ne criait pas, mais gravement disait :

— C’est beau !

Son idée fixe avait été, tout d’abord, de monter sur mon dos, de s’y installer pour se faire promener. Mais une chute du haut de la montagne que j’étais pour elle, eût été trop terrible, et j’opposais une ferme résistance à son désir, tout en cherchant s’il n’y avait pas moyen de la contenter.

Après beaucoup de réflexion, j’imaginai quelque chose. J’allai