Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chettes et il avait sur le front une couronne pareille à celle que le roi m’avait mise.

Tout cela ne l’embellissait guère ; sa peau était ridée et gercée, avec des taches grises comme de la terre sèche ; des rougeurs aux aisselles et autour des yeux. Ses défenses étaient jaunies et cassées et il avait peine à se mouvoir. Cependant il paraissait aimable et je répondis à sa politesse.

Mon conducteur descendit de mon cou, tandis que des officiers et des serviteurs se prosternaient devant moi, comme j’avais vu qu’on le faisait devant le souverain lui-même. Puis ils me conduisirent devant une haute table de marbre où, dans des bassins d’or et d’argent, des bananes, des cannes à sucre, toutes sortes de fruits délicieux, des herbes choisies, des gâteaux, du riz, du beurre fondu, étaient offerts à mon appétit.

Quel régal !

Ah ! j’aurais voulu que ceux de ma harde, qui paraissaient tant faire fi de moi, vissent de quelle façon on me traitait parmi les hommes.

L’orgueil se levait dans mon cœur et je ne regrettais plus, déjà, la forêt sauvage et la liberté.