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À ma grande joie, Parvati revint à elle, se passa les mains sur les yeux, et sourit en me regardant.

— Ah ! l’affreux serpent ne t’a pas étouffé, mon cher Iravata ? s’écria-t-elle, j’ai eu si peur, que j’ai cru mourir.
je la couchai sur mes défenses.

Alors, elle raconta à l’anachorète tout ce qui nous était arrivé, et quel ami j’étais pour elle. Il lui dit à son tour comment il avait entendu mes plaintes et nous avait secourus.

Il put lui offrir quelques fruits délicats qu’elle accepta avec plaisir, car elle n’avait rien mangé durant toute cette longue journée.

— Ô saint homme ! dit-elle ensuite, se peut-il que vous viviez tout seul au milieu de la forêt ? combien vous devez être triste et malheureux !

— Non, enfant, répondit-il, ceux qui vivent avec leurs pensées ne sont pas seuls. Au lieu de regarder, comme vous, la vie qui passe ou est passée, je regarde en avant, vers le mystère d’après la mort, et il y a là de quoi occuper toutes les minutes du jour et de la nuit.

— Ô saint homme ! dit-elle, pourquoi mépriser la vie ? elle est douce et charmante et le cœur se serre à penser qu’elle ne doit pas toujours durer…