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cueillir des lianes flexibles et, en m’appliquant beaucoup, avec une peine extrême, je tressai une sorte de corbeille qui pouvait se suspendre à mon cou, et où je plaçai délicatement ma petite princesse. De cette façon, elle était comme posée sur mon cœur. Je pouvais la surveiller, l’abriter du soleil, la préserver de tout danger.

Elle fut ravie de mon invention et Saphir-du-Ciel autant qu’elle ; seulement, la reine fit remplacer
— balance-moi, criait-elle.
mon informe ouvrage par une installation plus parfaite, et la promenade devint un de nos plaisirs favoris.

Nous allions par la ville, sous les platanes abritant des fontaines de porphyre. Les brahmanes, qui passaient, dans leurs robes d’une blancheur éclatante, jetaient une bénédiction à la fille de leur roi ; les seigneurs que nous croisions, montés sur des chevaux à la crinière tressée et ornée de franges, ou sur des éléphants caparaçonnés, la saluaient avec d’affectueux sourires ; les nobles dames faisaient arrêter leur litière, traînée par des bœufs blancs, et lui parlaient un moment.

Mais ce que Parvati préférait c’était le peuple, le peuple qui laissait éclater une joie si bruyante en la voyant s’avancer, pendue comme une perle à mon cou ; les noirs, les marchands, qui partout l’acclamaient, les enfants surtout, la foule de ses petits amis pour lesquels elle était une fée.