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quelque chose de fâcheux résulte de cette niaise aventure, c’est sur moi que le blâme retombera. Et qu’importe une tache de plus sur une étoffe déjà souillée !

Elle se leva et s’accouda à la fenêtre. Elle regarda la mer éblouissante sous le soleil qui commençait à descendre.

Sa pensée avait changé de direction. Elle revoyait le regard d’Adrien tombant sur elle et l’enveloppant d’un frisson singulier. Une colombe amoureuse du faucon qui la tient palpitante d’effroi sous sa serre, lui semblait une image exacte de ce qu’elle avait éprouvé.

Mais pourquoi était-elle ainsi ? Jusqu’à ce jour elle s’était considérée comme très-supérieure aux hommes. Puisqu’ils payaient très-cher le plaisir d’être maltraités par elle et d’obéir à ses moindres caprices, et qu’elle ne trouvait aucun agrément à leur société, c’est qu’elle valait quelque chose et qu’eux ne valaient rien ; tel était le raisonnement instinctif qu’elle s’était fait. Mais sa conviction chancelait. Elle avait obéi avec empressement à un avis donné brutalement par un homme qui ne se souciait pas beaucoup d’elle, il lui avait jeté pour récompense un regard dont le souvenir seul la bouleversait.

— Ah ! j’aime, j’aime ! murmura-t-elle. C’est fini, je suis prise comme dans un filet de feu ; je n’échapperai pas.

On commençait à revenir de la plage. Des groupes