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— Très-bien ! s’écria Jenny ; maintenant l’adresse ; puis j’irai jeter la lettre dans la boîte de l’hôtel.

— Pas tant d’empressement ! dit Lucienne en refermant le buvard sur la lettre, il te donne deux jours pour prononcer son arrêt, ne te précipite pas ainsi sur la boîte aux lettres ; ce serait manquer de dignité. Fais-le un peu languir, ne réponds qu’au dernier moment.

— Décidément, tu es très-forte ! dit Jenny en regardant son amie avec admiration.

— N’est-ce pas ? dit Lucienne avec un pli amer des lèvres. Maintenant va retrouver ta mère, continua-t-elle, elle pourrait s’étonner de cette longue absence.

— Tu ne viens pas ?

— Non, Je vais me recoiffer pour le dîner.

— La coquette ! toujours à sa toilette ! dit Jenny en embrassant Lucienne. Et tu veux me faire croire que tu n’as pas d’amoureux !

Elle s’enfuit, puis rouvrit la porte.

— Tu sais, dit-elle, en menaçant Lucienne du doigt, ce que tu ne veux pas avouer, je le devine. Je le découvrirai, ton amoureux, et je crois que je brûle.

Lorsqu’elle fut seule, Lucienne se jeta sur le canapé et se mit à réfléchir.

— J’ai bien fait, se dit-elle, de ne pas contrarier cette chère innocente enfant, et de me faire sa complice. Sans cela elle se fût cachée de moi et eût agi seule avec l’étourderie de son âge. Comme cela, si