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— J’en ai sans marque, dit Lucienne ; mais tu n’as pas songé à une chose : « si ce jeune inconnu », comme il se nomme, ne te plaît pas, il aura entre les mains des lettres de toi qui pourront te compromettre.

— Je ne signerai pas.

— Mais ton écriture ? écoute, laisse-moi écrire à ta place.

— Eh ! alors, c’est toi qui te compromettrais, et sans aucun avantage.

— Oh ! moi, je ne risque rien, je suis trop gâtée ! dit Lucienne avec un triste sourire. Et puis, comme ce n’est pas à moi que ce monsieur a écrit, je pourrai toujours dire que je me suis moquée de lui.

— Eh bien, écris,

— Nous allons être très-brèves et très-sèches, dit Lucienne en trempant la plume dans l’encre.

— Ne le maltraite pas trop.

— Plus on rudoie les hommes, plus ils vous aiment.

— Vraiment ? Alors, rudoyons-le, dit Jenny, le front penché sur la feuille blanche.

Lucienne écrivit :

« Pour qu’on sache si son audace mérite un éclat de rire ou un sourire d’indulgence, que le jeune inconnu ose se montrer en plein jour ; qu’il soit, dimanche, près du bénitier, à la sortie de la messe.

» S’il n’est pas beau comme Apollon lui-même, on lui conseille de ne pas sortir de l’ombre. »