Tous éclatèrent de rire.
— Chut ! chut ! dit Héiéna Richard, nous allons scandaliser les bourgeois.
— Soyons très-distingués, dit Chanoine de sa voix profonde, tâchons de ressembler à des notaires.
Lucienne regardait souvent le groupe des acteurs. N’étaient-ils pas des frères pour elle ? leurs toilettes râpées, leurs visages flétris, sur lesquels la fatigue et la misère avaient tracé des plis amers, lui faisaient mal à voir.
Ils buvaient du cidre. Lucienne se pencha vers l’oreille de M. Provot et lui parla bas. Celui-ci appela le garçon et lui dit quelques mots à l’oreille. Le garçon fit un signe d’intelligence et s’éloigna.
Peu après, une bouteille de champagne faisait son apparition sur la table des comédiens.
— C’est M. Duplanchet qui nous fait cette gracieuseté ? demanda Marie Lepot.
— Non, dit le garçon à demi-voix. Une personne qui ne veut pas être connue, et qui vous applaudira tout à l’heure, offre ce Champagne aux dames.
— Nous le boirons à la santé de l’inconnu, dit Héléna.
Le bouchon sauta. Jenny poussa un petit cri.
— Sont-ils incroyables, ces bohêmes ! dit tout bas madame Després, ils n’ont pas de semelles à leurs souliers, et ils boivent du Champagne.
Le soir, la grande salle du casino resplendissait ; les girandoles se miraient dans les dorures, dans les glaces, dans le parquet archi-ciré. On avait rangé