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fonça ses doigts dans le bras avec cette effroyable vigueur qu’acquièrent ceux qui se noient. Mais elle savait assez nager pour se rassurer vite, et l’étreinte se desserra. Le jeune homme la soutint sans peine jusqu’au rivage.

Il la fit asseoir sur les galets et s’assit à côté d’elle.

— J’ai eu si peur, que j’ai manqué de me noyer avec vous ! dit-il.

— Pourquoi m’avez-vous sauvée ? dit Lucienne.

— Comment ! pourquoi ? …

Mais il s’arrêta devant l’expression du visage de Lucienne. Pâle, les cheveux collés le long des joues, les lèvres tremblantes, les dents serrées, elle était presque effrayante.

— Elle a mal aux nerfs, elle va s’évanouir ! s’écria Adrien qui se leva vivement et l’emporta dans ses bras.

Lucienne appuya son visage sur la poitrine du jeune homme pour cacher un sourire de joie. Elle avait vu sa pâleur et l’inquiète sollicitude de son regard. Elle entendait bondir près de son oreille ce cœur qu’elle avait cru glacé. Il lui semblait que ces bras nerveux qui l’emportaient s’étaient refermés sur elle avec une violence passionnée qui trahissait autre chose qu’une pitié banale.

On les entourait ; il y avait un rassemblement sur la plage. M. Provot était accouru avec madame Després et Jenny.

— Là, vous voyez ! à quoi cela sert-il, ces fanfa-