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Elle nagea plus vigoureusement et atteignit le radeau sur lequel les nageurs peuvent se reposer. Elle s’y accrocha des deux mains. Il était violemment secoué, et il était difficile de s’y tenir. Cependant ce point d’appui rendit un peu de calme à Lucienne. Adrien revenait.

— À quoi bon tenter l’expérience ? se disait la jeune femme ; il ne m’aime pas, c’est certain. A-t-il un instant fait la moindre attention à moi ? Il a sans doute un autre amour dans le cœur.

Et elle le regardait, luttant avec la mer, si fort et si gracieux, faisant par instant surgir son torse hors de l’eau, puis se renversant comme sur un lit au milieu des vagues qui le berçaient.

— Il ne m’aime pas, il ne m’aimera jamais ! murmurait-elle, en sentant des larmes lui venir aux yeux.

Tout à coup, un choc brusque lui fit lâcher prise ; elle fut repoussée loin du radeau.

Un cri monta jusqu’à ses lèvres, mais l’eau lui remplit la bouche. Un bourdonnement formidable ronfla à ses oreilles. Elle leva les bras, cherchant à s’accrocher à quelque chose ; ce qui la fit enfoncer. Elle revint presque aussitôt à la surface. Son bonnet avait été emporté, ses cheveux l’aveuglaient. Une vague très-haute la submergea.

Avant qu’elle eût perdu connaissance, elle fut ramenée à l’air par Adrien, qui avait été près d’elle en un instant.

Il la saisit d’abord par les cheveux, et elle lui en-