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Lucienne. Certains détails de sa toilette l’inquiétaient encore ; mais elle se disait qu’à Paris on a beaucoup de mauvais exemples sous les yeux et que les jeunes filles sont très-étourdies. C’est pourquoi elle s’était promis de faire quelques observations à Lucienne.

Quand les orphéonistes, prenant un peu de repos, permirent à la voix humaine de se faire entendre, madame Després posa sa tapisserie sur ses genoux et tourna sa tête vers Lucienne.

— Ma chère petite, lui dit-elle, pourquoi faites-vous tomber vos cheveux si bas sur votre front ? c’est mauvais genre.

— Je l’ignorais, madame, dit Lucienne en rougissant ; mon oncle trouve cela joli.

— Moi aussi je trouve cela joli ! s’écria Jenny.

— C’est donc pour cela, mademoiselle, que depuis quelque temps tous tirez vos mèches jusque sur vos yeux, et que vous ressemblez à un chien havanais, dit madame Després sévèrement.

— Maman, c’est la brise qui m’a décoiffée.

— Vraiment ! c’est la brise ! est-ce que vous n’êtes pas de force à lui résister, à la brise, et à rarranger ce qu’elle dérange ?

— Votre mère a raison, Jenny, dit Lucienne, en passant la main sur le front de son amie. Découvrez-le, ce front pur et candide, ce front que pas une mauvaise pensée n’a terni.

— Mais votre front, mon amie, est aussi pur et