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serve de ce dernier n’allait pas jusqu’à la gaucherie ; il lui parla avec la plus parfaite aisance.

— Vous aimez beaucoup la campagne, à ce que je crois, mademoiselle ? dit-il ; vous paraissez tout heureuse.

— Je n’ai jamais été aussi heureuse qu’en ce moment ! s’écria Lucienne en le regardant avec passion.

Puis elle baissa brusquement les yeux.

— J’adore la mer, ajouta-t-elle.

— Savez-vous nager ? demanda le jeune homme, sans paraître s’être aperçu de ce singulier regard.

— Je croyais savoir ; mais, depuis que je vous ai vu dans l’eau, je reconnais que je ne sais que barboter.

— Je vous donnerai des leçons si vous voulez, dit Adrien avec un sourire, dans lequel Lucienne crut voir une ombre de raillerie.

— C’est un détestable professeur ! dit Jenny qui s’était rapprochée. Imaginez-vous qu’il n’a jamais pu m’apprendre, à moi.

— Avoue que tu es une exécrable élève. Jugez-en, mademoiselle : elle refuse obstinément de détacher ses pieds du fond.

— C’est plus fort que moi, dit Jenny. J’ai peur.

On était arrivé. Le château situé au milieu d’un parc admirable, parfaitement entretenu, semblait être en très-bon état. La partie la plus ancienne était une tour ronde, coiffée d’un toit pointu, qui se dressait à l’un des angles de l’édifice et se mirait