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les pavés inégaux du village où l’on se rendait, et elle entra bruyamment dans une cour d’auberge.

En même temps que la voiture, un personnage singulier, suivi d’une troupe de paysans, de femmes et de gamins, s’engageait sous la voûte de la porte cochère. C’était un berger, un vieillard grand et sec, au visage rasé, à la peau tannée par le grand air et ayant pris la teinte du vieux chêne. Quelques mèches de cheveux blancs lui descendaient jusque sur les épaules, s’échappant du bonnet de coton noir qui lui moulait le crâne sous son feutre déteint. Il s’enveloppait dans un vieux manteau brun tout rapiécé, et, s’appuyant sur un grand bâton recourbé, il s’avançait avec une certaine solennité. Deux chiens roux marchaient derrière lui. Puis venaient les curieux qui le suivaient en silence.

— Est-ce que c’est un sorcier ? dit Adrien en sautant à terre.

— Hé ! hé ! c’est un vieux malin, toujours ! dit le cocher, qui déjà dételait ses chevaux ; il n’est pas bavard, mais il en sait long sur bien des choses. C’est un berger des environs, il perche sur la hauteur, du côté de Colleville. On l’appelle Mathusalem. C’est un sobriquet, comme vous pensez. Eh mais, c’est qu’il ne doit pas être loin de ses cent ans.

— Qu’est-ce qu’il vient faire ici, suivi de tout ce monde ? dit madame Després.

— Il vient sans doute pour faire danser un voleur, dit le cocher qui s’éloigna, emmenant ses bêtes à l’écurie.