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— C’est passé. Mais, dites-moi, c’est vous qui avez eu cette charmante idée de m’emmener ?

— Non, dit Jenny, c’est maman.

— Ah ! … dit Lucienne, qui un instant avait espéré que c’était Adrien.

— Relevez vite vos beaux cheveux et préparez-vous ; je vais dire voire réponse à maman, et Adrien ira tout de suite choisir la voiture.

Jenny s’enfuit en courant dans la couloir sonore, Lucienne sonna madame Mafflu et fit appeler son oncle.

M. Provot dormait profondément. Le bain, le grand air, la chaleur l’accablaient, et on eut toutes les peines du monde à l’éveiller. Madame Mafflu avait beau le tirer par la manche et lui frapper sur l’épaule, il ne bougeait pas. Elle alla chercher Lucienne en riant. Celle-ci prit une éponge mouillée et la jeta brusquement sur les yeux du dormeur.

— Vous allez le saisir, le pauvre homme ! disait madame Mafflu.

En effet, M. Provot poussa des cris d’épouvante, et fut quelques minutes avant de comprendre ce qu’on lui voulait.

— Mais, ma chère, dit-il, inquiet, lorsqu’il fut rentré en possession de lui-même, c’est très-grave ce que tu me dis là. Il ne faut pas trop nous lier avec ces braves gens ; ce serait abuser de leur confiance. Ils te prennent pour une jeune fille honnête, et moi pour un oncle sérieux ; il ne faut pas profiter de leur erreur pour se glisser dans leur intimité.