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fois, et ce fut elle qui sortit de table la première.

Elle monta dans sa chambre et s’assit devant un miroir.

— Voyons, se dit-elle, décidément suis-je, oui ou non, jolie ?

Elle ouvrit tout grands ses beaux yeux noirs, puis les ferma à demi et fit glisser ses prunelles sous les franges de ses longs cils. Elle s’accorda que ses yeux n’étaient pas mal. Elle examina ensuite son nez, de trois quarts, de profil ; il était fin, délicat, spirituel. Elle ne trouva rien à reprendre à ce nez. Les lèvres roses, un peu grasses, relevées légèrement aux commissures, avaient un charme incontestable. Elle les entr’ouvrit pour voir ses dents. Deux rangs de perles, elle fut obligée d’en convenir. Alors elle défit ses cheveux d’or et les secoua sur ses épaules. La teinture les avait un peu séchés et durcis, mais ils étaient abondants et longs.

— Je suis jolie, certainement ! prononça-t-elle.

Elle trouva seulement que sa peau, très-blanche d’ordinaire, était un peu irritée par l’air de la mer. Elle prit alors dans son nécessaire de voyage toutes sortes de pommades, de fards, de poudres, et se les apphqua sur le visage. Lorsqu’elle eut fini, elle éclata de rire.

— Je ressemble à une de ces figures de cire que l’on voit chez les coiffeurs, s’écria-t-elle.

Et elle courut se débarbouiller à grandes eaux.

Elle avait encore la figure dans sa cuvette, lorsqu’on frappa à la porte.