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mode n’y arrive pas dans toute sa fraîcheur. Cependant on distingue très-aisément les dames de la ville des étrangères. Tandis que ces dernières portent des toilettes charmantes, mais simples, et en apparence sans prétention, se coiffent de chapeaux pleins de fantaisie et de grâce, les provinciales s’habillent trop bien, leur costume est peu approprié au milieu et à la saison, il semble qu’elles rendent à la mer une visite de cérémonie.

À quatre heures, l’orphéon de la ville se range dans la galerie du Casino et, à grand renfort de trombones et de bugles, charme les oreilles des promeneurs par des valses déchirantes.

On s’installe sous la tente, en face de la mer ; les dames travaillent à de petits ouvrages ; les messieurs vont et viennent, causent avec elles, ou entrent au café pour jouer au billard.

Lucienne était là, appuyée à la balustrade de la terrasse, regardant parfois la mer, mais cherchant plus souvent des yeux le beau nageur qui n’arrivait pas.

M. Provot lisait son journal ; la jeune femme saisissait malgré elle des lambeaux de conversation ; elle les écoutait distraitement.

— Ah ! voici le petit docteur Pascou qui vient prendre son bain, disait quelqu’un.

— S’occupe-t-il toujours de magnétisme ?

— Certainement ; il donne des pilules magiques à ses malades et se fait dicter ses ordonnances par les esprits.