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— Il le faut bien, je ne puis pas faire mentir votre mensonge.

— Eh bien, allons sur une plage moins prude. Tes toilettes d’été m’ont coûté un prix fou !

Lucienne regarda le vieillard avec un souverain mépris.

— Si vous les regrettez à ce point, reprenez-les, et conservez-les dans le poivre, jusqu’à ce que vous ayez une nouvelle passion de ma taille, lui dit-elle.

— Tu te fâches pour une observation raisonnable, dit M. Provot. Je n’ai pas eu l’intention de te blesser.

— C’est bien, je vous pardonne, dit Lucienne radoucie, mais ne soyez plus aussi fantasque. Je suis devenue de tout mon cœur votre nièce, et je ne désire qu’une chose, c’est que vous soyez oncle éternellement.

— Je te remercie, dit le vieillard un peu piqué.

— Voyons, allez faire votre sieste, dit Lucienne, en lui tapotant légèrement la joue, et soyez ici à quatre heures.

— Je suis à tes ordres, ma toute belle, dit M. Provot en l’embrassant.

Et il sortit.

— Elle fait de moi tout ce qu’elle veut, murmura-t-il en s’éloignant. Ah ! les femmes ! Le penseur qui a dit : « La punition de ceux qui les ont trop aimées est de les aimer toujours, » n’a jamais rien dit de plus vrai. C’est égal, renouveler toutes les toilettes d’été, c’est un peu vif !