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lui qui passait, et mon cœur a battu plus vite ; il bat encore ! …

Lucienne se renversa sur le canapé en riant.

— Je n’ai pas seulement entendu le son de sa voix. Peut-être n’a-t-il pas d’esprit. Je ne sais même pas son nom.

Elle se mit alors à passer en revue tous les prénoms romanesques qu’elle connaissait, Raoul ou Gaston lui parurent les plus dignes d’être portés par l’inconnu.

Ensuite elle songea à la toilette qu’elle allait mettre pour retourner sur la plage à quatre heures, et se leva pour ouvrir ses malles.

Ses robes lui parurent bien tapageuses, et peu en harmonie avec le rôle que le hasard lui avait imposé. Elle mit tout sens dessus dessous, et finit par choisir une robe en toile brodée, très-chargée de volants et de garnitures, mais qui, à la rigueur, pouvait convenir à une jeune fille mondaine. Pour ne plus retomber dans cet embarras, Lucienne écrivit aussitôt à sa couturière.

M. Provot la surprit dans cette occupation.

— Que fais-tu, chère amie ? lui dit-il.

— Je me commande des toilettes de pensionnaire, répondit-elle. Votre pudeur d’hier au soir m’oblige à prendre cette mesure. Toute cette garde-robe de princesse ne convient nullement à la jeune bourgeoise dont je tiens le rôle.

— Comment ! tu vas renouveler toute ta garde-robe ? s’écria M. Provot avec épouvante.