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Tandis que le domestique courait exécuter cet ordre, il prit la jeune fille dans ses bras et remonta. Il la posa sur son lit tiède encore. Les longs cheveux de Lucienne se répandirent sur l’oreiller.

Alors immobile comme pétrifié il la regarda avec épouvante et désespoir. Elle gardait sa grâce et sa douceur dans la majesté de la mort. Une de ses mains, blanche comme un lys, pendait dans les plis des draps, et elle semblait dormir sur ce lit défait qui aurait dû être le sien.

— Ah ! bourreau cruel et imbécile ! s’écria tout à coup le jeune homme, voilà ce que tu as fait !

Et il se jeta en sanglotant sur le corps de Lucienne, l’entourant de ses bras, essayant de la réchauffer sous ses baisers, l’appelant, lui promettant de tout abandonner, d’être tout à elle, si elle était rendue à son amour.

Lucienne était bien morte, puisqu’elle ne répondit pas.

Le médecin ne put que constater le décès.

M. Lemercier arriva bientôt. Il avait deviné que la jeune fille, par un effort surhumain de volonté, était venue mourir près de celui qui la tuait.

— C’est donc fini, chère douce martyre ! s’écria-t-il en la voyant. Voilà où t’ont menée ton courage et tes longs sacrifices. Tu meurs à vingt-trois ans, belle, adorée, mais fidèle à ton inutile et douloureux amour ! Ma pauvre enfant bien-aimée ! …

— Monsieur, dit Adrien, en relevant vers le vieil-