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XV


M. Lemercier arriva tandis que, assise sur son lit, Lucienne tenait encore la lettre d’Adrien entre ses mains et la relisait, le visage inondé de larmes.

— Tenez, père ! dit-elle en lui tendant la lettre ; c’est M. Provot qui m’a perdue, cet homme que vous avez chassé d’ici. Ah ! le misérable ! …

M. Lemercier lut la lettre d’Adrien.

— Ce jeune homme s’est condamné au plus affreux des supplices, dit-il lorsqu’il eut reployé le papier ; il a rivé sa vie à celle d’une femme qu’il n’aime pas. Pauvre fou, qui n’a pas su pardonner ! tu es bien vengée, va, ma Lucienne !

— Vengée ! murmura-t-elle en secouant tristement la tête.

— Oui, et tu le seras davantage encore le jour où, fière et heureuse au bras de Stéphane, tu passeras, dans tout l’éclat de ta beauté, auprès de l’homme qui l’a dédaignée. Il pourra alors comparer le bonheur de celui qui pressera avec orgueil ta main sur son cœur, à la morne tristesse de son foyer et de sa vie.