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ment vers les cabines. Lucienne admirait sa grâce et sa force.

Peu après, la cloche du déjeuner tinta. M. Provot se leva et bâilla.

— Ma foi, dit-il, tu as raison, on s’ennuie joliment ici ! je ne serais pas fâché d’en partir.

— Comment ! s’écria Lucienne ; mais vous n’avez donc rien dans l’âme ! Vous osez dire que vous vous ennuyez en face d’un pareil tableau, devant cet horizon superbe, ces falaises majestueuses, cette mer splendide, ce ciel charmant ! Décidément, vous êtes encore plus bourgeois que je ne le croyais. En tout cas, je vous déclare que ce pays me plaît infiniment et que, si vous partez, vous partirez seul.

— Ah ! ah ! ah ! fit en riant M. Provot, voilà bien les femmes ! il suffit d’être de leur avis pour qu’elles en changent immédiatement. Je me souviendrai de cela à l’occasion. Venez-vous déjeuner, ma nièce ?

À table on s’observa, les trois vieilles misses étaient plus solennelles que de coutume, M. Duplanchet était plus pommadé que jamais.

Lucienne avait en face d’elle une charmante jeune fille, aux cheveux châtain-clair simplement nattés et tombant sur les épaules.

— C’est celle que j’ai entendu nommer Jenny, se disait Lucienne.

M. Provot était à côté de sa nièce, et faisait vis-à-vis à une dame d’une cinquantaine d’années, mince, élégante et qui avait dû être fort jolie. Au bout de la table, entre Lucienne et la jeune fille,