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— Mettez un peu de poudre de riz, lui dit le coiffeur ; on dirait que tous avez attrapé un coup de soleil.

— Bah ! ce sont les couleurs de la santé, dit Lucienne.

Et elle s’en alla. Elle retourna à la gare et prit un billet pour Paris ; puis se promena bruyamment dans la salle d’attente. Elle n’attendit pas longtemps ; la porte glissa sur la rainure, et l’employé cria :

— Les voyageurs pour Paris !

Elle s’élança. Mais, au moment où elle montait le marchepied du wagon, un grand vieillard, qui venait de descendre du train, la saisit et la fit redescendre.

— Où allez-vous, Lucienne ? lui dit-il d’une voix sévère.

— Ah ! c’est vous ! dit-elle en regardant M. Lemercier avec insolence. Vous voulez savoir où je vais. Eh bien, je retourne à Paris, à ma vie d’autrefois. La morale m’ennuie, la géographie aussi, et la confection des chapeaux plus que tout le reste. La société ne veut pas de moi, je me passerai d’elle. Ne me faites pas manquer le train.

— Lucienne ! Lucienne ! mon enfant, c’est toi qui me parles ainsi ! dit le vieillard.

— Mais vous ne savez donc pas que j’ai la rage dans le cœur ; vous ne savez donc pas que c’est un misérable, que mes tortures, mes larmes, mon long supplice ont été inutiles, qu’il m’oublie, qu’il