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plage entre deux dames qu’il tenait par la main. Après avoir vaincu leur résistance par des paroles d’encouragement, il les entraîna dans la mer, où malgré leurs cris d’effroi, il leur fit exécuter une ronde de sa façon.

Un jeune homme, enveloppé d’un grand peignoir blanc, était descendu derrière ces dames. Il s’arrêta un instant sur le bord, et les regarda en riant et se moquant de leur terreur. Puis, rejetant son peignoir, il monta sur un tremplin que supportait au-dessus de l’eau le timon de deux immenses roues, et, s’élançant la tête la première, il disparut sous les flots.

Un assez long temps s’écoula.

— Grand Dieu ! mon oncle, ce monsieur se noie ! il se sera frappé la tête contre les pierres ! s’écria Lucienne en se levant brusquement.

— Quel monsieur ? dit Provot en retirant son pince-nez.

— Celui qui vient de sauter.

— Tu es folle, le voilà là-bas qui nage.

Et M. Provot se remit à lire son journal.

Lorsque le jeune homme sortit de la mer tout ruisselant, Lucienne le suivit des yeux, un peu émue encore de la peur qu’il lui avait causée.

Il avait ramassé son peignoir et luttait avec la brise qui le lui disputait ; le soleil faisait briller les gouttes d’eau qui glissaient sur ses bras nus. Il était beau comme un dieu marin. Bientôt il triompha du vent, secoua sa chevelure trempée, et grimpa leste-