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— Voyons, dit-elle, il descend de wagon ; il sort de la gare ; il n’a pas la patience d’attendre Félix, et il gravit en courant les quelques marches qui montent à la route. Maintenant, il suit les quais, — le premier bassin, — puis le second. Il passe devant la maison de M. Maton ; il tourne l’angle du quai et longe les corderies. Si je voulais ouvrir les yeux, je le verrais.

Quelqu’un gravissait la falaise. Lucienne eut un battement de cœur qui lui ôta la respiration.

Elle regarda avidement.

C’était un petit paysan qui tirait une chèvre au bout d’une corde.

Elle entendit des grelots et vit l’omnibus qui revenait vide.

— Suis-je folle ? dit-elle ; je faisais marcher un homme aussi vite que deux chevaux !

Elle attendit.

— Mon Dieu ! s’écria-t-elle après un long espace de temps, il a manqué le train. Il me va falloir patienter jusqu’à sept heures. Comment a-t-il fait, un jour comme celui-ci ? ajouta-t-elle avec une ombre de tristesse.

Elle s’assit de nouveau sur le gazon et attendit.

Le soleil se couchait dans les vapeurs condensées en nuages à l’horizon ; la mer s’assombrissait ; une brise froide courbait les herbes au sommet de la falaise.

Lucienne attendait. Elle promenait continuellement son regard sur la ville, qui s’étendait à ses