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suite un instant au chalet pour embrasser encore une fois son bienfaiteur.

— Demain matin, lui dit-elle, nous viendrons ici tous les deux. Je vous présenterai mon fiancé.

Puis elle s’enfuit ; il était deux heures passées.

Arrivée au lieu du rendez-vous, un peu plus haut sur la falaise, elle s’assit sur l’herbe et attendit.

— Est-ce possible ? se disait-elle, dans un instant, il sera là ! je le verrai, je l’entendrai ! il me serrera dans ses bras, tandis que mon regard s’abîmera dans ses yeux ! Encore quelques minutes ! je ne puis y croire ; j’ai peur de mourir de joie.

Elle prêtait l’oreille, cherchant à entendre le sifflet du chemin de fer.

— Ce n’est pas l’heure encore, pensait-elle. Et ses regards joyeux erraient sur la mer, dans l’espace, tout autour d’elle.

Il faisait assez beau, un peu frais ; le soleil dans le ciel vaporeux se montrait comme derrière des mousselines.

Lucienne vit partir l’omnibus de l’hôtel, se rendant à la gare. C’était toujours Félix qui le conduisait ; son chien blanc bondissait sur l’impériale en aboyant. Elle vit la voiture s’engager dans la rue des Corderies, puis tourner l’angle du quai. Peu après, elle entendit le sifflement du train.

Elle se dressa sur ses pieds, et essaya de voir par-dessus les maisons ; elle n’aperçut qu’un peu de vapeur blanche. Alors elle mit la main sur ses yeux.