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un sourire radieux, elle regarda naître cette aurore bénie.

Mais il était à peine cinq heures. Elle se recoucha et s’efforça de demeurer tranquille ; mais cela lui fut impossible : son cœur battait, ses tempes battaient, la vie bouillonnait en elle, il lui fallait du mouvement. Elle se leva, sortit et grimpa sur la falaise, d’où elle vit le soleil se lever. Puis elle rentra et commença sa toilette. Elle voulait être belle comme elle ne l’avait jamais été : elle mit près de deux heures à se coiffer.

— Mon Dieu ! s’écria-t-elle tout à coup, en se mirant, s’il allait ne pas m’aimer brune ?

Elle pensait qu’Adrien arriverait à F… par l’express de trois heures. Elle fit durer sa toilette jusqu’à midi. Puis elle essaya de déjeuner, mais elle ne put rien avaler.

— Je dînerai avec lui à l’hôtel des Bains, ce soir ! se dit-elle.

Elle n’avait plus bien la tête à elle ; elle songea seulement alors qu’elle ne devait pas paraître avoir habité la ville pendant ces trois ans. Elle avouerait cela plus tard, peut-être, à Adrien, en lui disant que son oncle l’avait abandonnée, et qu’elle avait été obligée de travailler pour vivre ; mais cette première journée ne devait pas être troublée par des explications. Elle courut donc à l’hôtel et retint deux chambres, la sienne et celle qu’Adrien avait habitée. Elle ne laisserait Adrien parler seul à personne ; et ils quitteraient F… dés le lendemain. Elle entra en-