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dit-il ; que diable fais-tu là ? Je me disais bien aussi que ta mort n’était qu’une frime. Tu es ressuscitée modiste !

— Monsieur Provot ! s’écria Lucienne pétrifiée.

— Mais oui ; pas trop changé, comme tu vois, dit-il ; je me soigne. Mais toi tu es superbe, avec tes cheveux noirs ; quelle drôle d’idée avais-tu donc de te teindre ?

— Vous devez vous tromper, monsieur ; une ressemblance vous égare, dit M. Lemercier ; vous ne pouvez connaître cette jeune fille.

— Du tout, du tout, je ne me trompe pas, dit M. Provot ; je la connais très-bien, et elle m’a reconnu aussi. Nous avons été très-bons amis autrefois. Il est vrai qu’elle m’a planté là un peu brutalement, mais je ne lui garde pas rancune. Ça fait plaisir de retrouver de vieilles connaissances, surtout lorsqu’on les croyait mortes.

— La personne dont vous parlez est bien morte en effet, dit M. Lemercier ; la jeune fille que vous voyez ici est pure et laborieuse ; tout le monde l’aime et la respecte. Si, autrefois, sans guide dans la vie, elle a pris un mauvais chemin, elle est revenue sur ses pas et a effacé ses fautes passées sous ses vertus présentes. Cessez donc, je vous prie, de l’outrager, et mettez fin à cette scène pénible pour elle.

M. Provot ouvrait des yeux démesurés.

— Quoi ! le repentir, le travail, les privations, à son âge ! Cela n’est guère vraisemblable ! dit-il avec une forte envie de rire. C’est quand il est vieux que