Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu travailles et tu mènes une vie exemplaire, lui avait-il dit, c’est parfait ; mais il ne faut rien exagérer. Il est inutile de te traiter toi-même comme un criminel qui subit la prison cellulaire. Il faut un peu de distraction après la tâche quotidienne. Je sais bien que la société d’un vieux comme moi n’est pas très-attrayante, mais enfin tu sauras t’en contenter. Ma maison est plus gaie que ta boutique, il y là beaucoup à, voir, beaucoup à apprendre, et, les soirs où nous n’aurons rien de mieux à faire, nous jouerons aux dominos.

Lucienne, heureuse d’être délivrée de ces longues et lugubres soirées de solitude, n’avait eu garde de refuser.

Tout bien considéré, on avait décidé de faire porter le piano chez M. Lemercier, il était installé dans la bibliothèque, c’est là que Lucienne étudiait.

Depuis le jour de l’arrivée du jeune lieutenant, elle n’était plus retournée, cependant, au chalet, voulant laisser M. Lemercier tout entier à son fils ; mais le vieillard lui ayant reproché sa réserve, elle avait promis de revenir.

Elle ne fit donc aucune difficulté lorsque ses amis la prièrent de finir avec eux cette journée si bien commencée.

La soirée fut charmante. Lucienne oublia un instant ses tristesses dans ce milieu sympathique ; elle se laissa gagner par la gaîté communicative de M. Lemercier, qui, auprès de son fils, retrouvait toute la vivacité de la jeunesse. Stéphane semblait