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rentrer à la ville, nous allons être forcés de nous mettre à l’eau jusqu’aux genoux.

— Je prendrai ma sœur dans mes bras, dit Stéphane ; pas une goutte d’eau ne l’atteindra.

— Eh bien ! en route ! dit M. Lemercier, si nous tardons un peu, il nous faudra revenir à la nage.

Ils se hâtèrent et marchèrent quelques minutes sur le galet découvert. Puis ils arrivèrent à l’avancement de la falaise que les lames léchaient déjà. Lucienne eût préféré marcher dans l’eau comme les autres, plutôt que de se laisser emporter par le jeune homme ; mais cela n’était guère possible avec ses jupes. Refuser l’aide qu’on lui offrait eût été ridicule. Elle ne dit donc rien et se laissa prendre par Stéphane qui l’enleva comme si elle n’eût rien pesé.

Il n’eut pas un tressaillement en sentant la jeune fille dans ses bras ; mais cette vapeur pourprée qui trahissait ses secrètes impressions monta subitement à son front.

— Le soleil couchant a dû être très-beau, disait M. Lemercier, en haussant la voix pour dominer le tapage de l’eau refoulée par leurs pas rapides. Les nuées amoncelées à l’occident gardent encore des reflets magnifiques. Pourquoi ne pas m’avoir pas éveillé au bon moment ?

Les deux jeunes gens échangèrent un sourire ; ils n’osèrent pas avouer qu’ils n’avaient rien vu du soleil couchant.

— Tu dormais si bien ! dit Stéphane.