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la chapelle a l’air d’un jouet d’enfant ; des sentiers capricieux, tracés à travers l’herbe, dans la terre rousse, par les grandes pluies, sillonnent les flancs de la falaise comme un réseau de veines.

Lorsqu’on la regarde du bord de la mer, cette montagne est vraiment majestueuse et donne une sorte de vertige ; ses parois droites ont été striées, déchirées, creusées en grottes à différentes hauteurs par le lent travail de la mer. Quelques touffes d’herbes s’accrochent à la roche calcaire et friable, et font çà et là des taches vertes ; mais la teinte générale est une blancheur crayeuse rayée de longues traînées de rouille. D’immenses tranches de la falaise se sont écroulées à diverses époques sur la grève et dans la mer. Les algues, les mousses sont venues recouvrir ces roches brisées, et la catastrophe n’a pas nui au pittoresque du tableau.

C’est à travers ces rochers que les promeneurs s’avançaient avec précaution, cherchant vaguement des moules entre les pierres. La mer s’était retirée, les lames plates déroulaient tranquillement leur feston d’écume au loin.

Lucienne, moins habituée au terrain que ses compagnons, glissait quelquefois sur les algues gluantes ; mais elle trouvait toujours de bras de Stéphane à sa portée pour se retenir. Elle riait de sa maladresse, et admirait M. Lemercier, qui sautait de roche en roche avec l’aisance d’un jeune homme.

— J’ai voulu éblouir Lucienne par mon agilité, dit-il, lorsqu’ils eurent atteint le but de leur pro-