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gens s’arrêtèrent un instant, quand la porte du chalet se fut refermée derrière eux, à regarder ce doux et vaporeux tableau. La mer était d’un gris doux et mat et semblait un prolongement du ciel. Le reflet de l’astre ne l’éclairait pas ; il tombait droit sur les toits d’ardoises de la ville et s’y brisait avec des clartés de métal. Plus loin, toute la vallée était emplie d’une brume féerique.

Ils hésitaient à quitter ce sommet si doucement baigné de lumière, pour descendre vers l’ombre des rues étroites.

— Si nous suivions le sentier qui traverse les champs sur la colline, dit Stéphane ; nous arriverions tout de même à la place du marché.

— C’est un peu plus long, dit Lucienne ; mais n’importe, allons.

Ils tournèrent le dos à la mer et s’engagèrent dans un étroit chemin.

Lucienne sentait le bras du jeune homme trembler sous le sien. Il se taisait, et elle hésitait à rompre le silence, inquiète auprès de cet étrange garçon, comme dans le voisinage d’une poudrière. Cependant la curiosité fut plus forte que la crainte, et elle lui dit avec une intonation de douceur dans la voix :

— Vous m’aviez promis de me révéler votre secret.

— C’est un secret, en effet, murmura Stéphane ; mais pourquoi ne vous le dirais-je pas à vous ? Seulement, promettez-moi de me pardonner.

— Vous pardonner ?