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LUCIENNE

dans celles qu’on lui tendait ; ces mains étaient agitées par un tremblement nerveux.

— Qu’a-t-il donc ? se dit-elle, s’apercevant du trouble extraordinaire qui avait subitement envahi le jeune marin.

Par un effort violent de volonté, il prononça quelques mots aimables. Sa voix était altérée, un violent battement de cœur entrecoupait sa respiration.

M. Lemercier, qui donnait un ordre à Bernard, n’avait rien vu.

— Allons, dit-il en revenant vers eux, faites connaissance, regardez-vous bien, vous êtes tous deux beaux à voir.

Stéphane était assez grand, mince, très-élégant dans son uniforme à étroits galons d’or. Ses yeux, d’un bleu très-clair, resplendissaient dans son visage bruni par l’air ; ses cheveux blonds, coupés court, se dressaient tout autour de son front. Il avait la moustache rasée, et quelques poils couleur d’or pâle frisaient à son menton.

— Parle-lui, ma fille, dit M. Lemercier : il est un peu timide, les héros sont souvent ainsi. Moi, je vais à la cave chercher quelques bouteilles d’un vin plus vieux que vous, qui vous déliera la langue.

Le jeune homme s’était laissé tomber sur le divan, comme si ses jambes eussent refusé de le porter.

— Monsieur Stéphane, dit Lucienne en s’asseyant à côté de lui, n’êtes-vous pas souffrant ? Il me semble qu’un malaise subit vous a saisi. Puis-je vous