Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VII


Pendant les jours qui précédèrent l’arrivée du jeune lieutenant de marine, Lucienne négligea un peu les travaux commandés par ses clientes. Elle était tout entière à un ouvrage qu’elle exécutait secrètement et avec amour. C’était un bouquet. Elle voulait que quelque chose parlât d’elle, avant qu’il la vit, au fils de son vénérable ami, à celui qui devait être son frère. Ces fleurs de gaze et de soie, humble cadeau de bienvenue, diraient la condition de celle qui offrait et feraient entendre au voyageur qu’on pensait à lui et qu’on l’aimait déjà avant de le connaître.

Lucienne voulut que son bouquet fût un chef-d’œuvre, que l’on pût croire en le voyant qu’il venait d’être cueilli dans un jardin, et qu’on eût l’idée de se pencher vers lui pour le respirer.

Elle pilla sans pitié les couronnes, les guirlandes, les touffes de fleurs préparées déjà pour des coiffures, choisissant partout la brindille la mieux réussie, les roses les plus semblables aux roses nées de la terre, les lilas blancs les plus légers. Elle prit des liserons, des églantines, des fleurs de pommier, puis quelques tiges d’herbes folles, fines, vaporeuses comme des