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pondre à quelqu’un, et elle aperçut très-distinctement son beau profil. Elle était dans le ravissement. Mais Adrien s’en alla. Le domestique ouvrit la fenêtre et fit tomber le store ; puis un rideau s’abaissa sur la fenêtre refermée.

Lucienne poussa un profond soupir. Le froid commençait à l’engourdir un peu ; elle se leva et traversa la rue. Elle toucha les murs de la maison, mit un baiser sur le bouton de la porte où la main d’Adrien s’était posée un instant auparavant. Elle ramassa une petite pierre sur le seuil ; puis curieusement regarda dans la cuisine par une vitre entr’ouverte. La cuisinière surveillait ses casseroles. La jeune bonne s’en allait, portant une pile d’assiettes. Un gros chat blanc dormait sur une chaise.

Tout à coup, une horloge voisine sonna dix heures.

Lucienne poussa un petit cri, étonnée qu’il fût si tard ; et elle s’enfuit, envoyant un baiser du bout de ses doigts à cette maison bien-aimée.

Elle dut courir jusqu’à la gare pour ne pas manquer le train. La neige tombait à gros flocons ; la jeune fille était toute blanche, mais se secouait gaiement, tout en hâtant sa course. Une minute plus tard, et le train partait sans elle.

— Père m’aurait grondée, se dit-elle, en se blottissant dans le coin du wagon.

M. Lemercier attendait Lucienne à la gare de F…

— Comment ! vous êtes là par un temps pareil ! s’écria Lucienne d’un ton de doux reproche.