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contenant une collection des plus curieuses plantes des tropiques. De la botanique, on passait à la zoologie. Lucienne écoutait son maître avec une attention passionnée. Il avait une façon si vive et si nette de lui présenter les choses, il variait si bien ses leçons et les rendait si attrayantes que son élève n’éprouvait aucune fatigue et n’oubliait rien cependant de ce qu’il lui avait enseigné.

— Vous serez vraiment le père de mon intelligence, lui disait Lucienne, qui éprouvait pour lui une profonde tendresse.

Elle avait repris ses promenades le long de la mer, mais le charme attaché à ces lieux si souvent visités commençait à s’amoindrir. Lucienne nourrissait un désir ardent et secret qu’elle ne songeait pas à réaliser, qu’elle n’osait même pas avouer à son protecteur, c’était de voir un seul instant la maison où habitait Adrien. Elle souffrait de ne savoir pas, à travers ses continuelles rêveries, dans quel milieu se l’imaginer.

Il était pourtant bien près d’elle, et un voyage à Rouen pour une affaire de commerce n’avait rien d’invraisemblable. Elle se glisserait à la nuit tombante dans la rue qu’il habitait ; elle verrait sa maison, elle en graverait chaque détail dans sa mémoire. Les fenêtres s’éclaireraient, une ombre peut-être passerait derrière un rideau… Et quel trésor de souvenirs elle rapporterait.

Lucienne chassait cette pensée qui revenait toujours.