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draps. Alors elle se jetait éperdument dans le souvenir d’Adrien.

Un jour, elle était, comme d’ordinaire, assise dans son magasin, tordant distraitement des tiges de fleurs qu’elle disposait en couronne. Il pleuvait ; elle entendait les gouttes d’eau rebondir sur le trottoir. La porte s’ouvrit, et Lucienne, levant la tête, vit un grand vieillard, à l’aspect cordial et franc, qui la saluait avec un bon sourire.

Elle reconnut aussitôt celui qu’elle avait vu un jour sur la falaise. Elle reconnut ce sourire bienveillant et doux, et il lui sembla qu’un rayon de joie lui réchauffait le cœur.

— Ma foi, mademoiselle, dit-il d’une voix sonore et forte, la pluie m’a surpris à quelques pas de chez vous, et je prends la liberté de vous demander quelques minutes d’hospitalité.

— Ah ! monsieur, s’écria Lucienne, je suis bien heureuse de pouvoir vous rendre ce léger service.

Elle se leva et offrit une chaise à son hôte.

— C’est que, voyez-vous, à mon âge, il faut se résigner à prendre quelques précautions, reprit le vieillard. Je ne puis cependant me décider à me munir d’un parapluie, et j’attrape bien souvent l’averse. Il ne doit pas faire bon en mer aujourd’hui, ajouta-t-il en écoutant siffler le vent.

— Que je plains les pauvres gens qui sont forcés de naviguer par un temps pareil ! dit Lucienne.

— Bah ! bah ! J’ai reçu bien des paquets de mer sur le dos, bien des mâts rompus sur la tête, j’ai