Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Alors, permettez-moi de vous dire que votre clairvoyance ne m’est nullement prouvée.

— Mademoiselle Perrault est bien jolie, elle a dû être tentée souvent, dit Félix avec un soupir. Je ne puis me défendre de croire que le docteur a raison.

— Dieu ! que les hommes sont méchants ! s’écria madame Dumont ; vous ne pouvez pas laisser une pauvre inconnue tranquille, au lieu de faire sur son compte toutes ces suppositions outrageantes.

— On ne suppose jamais que le mal ! dit Max d’une voix flûtée.

— C’est amusant de déchiffrer des énigmes, dit madame Maton.

— Le mot de l’énigme, je l’ai dit, s’écria le docteur. Cette jeune fille a été chassée de sa famille, abandonnée par son amant, et son enfant est en nourrice en Bourgogne.

C’est au moment où l’on rendait contre elle ce verdict, que Lucienne agita la sonnette.

Une femme de chambre vint annoncer à demi-voix l’arrivée de Lucienne à madame Maton.

— Faites-la entrer, dit madame Maton vivement, mais à voix basse.

Lucienne, qui ne s’attendait pas à être introduite au milieu d’une réunion, s’arrêta un instant un peu indécise sur la porte, regardant ce grand salon blanc et or, aux murs nus, au parquet luisant, et ces personnages dont les mains seules étaient éclairées, sous les abat-jour qui recouvraient les lampes.