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caisses peintes en vert. En face se dressent la mairie et les halles qui gagnent du terrain vers le port. À droite, un marchand d’objets de piété, et la librairie des trois sœurs Lenoir. À gauche, le plus beau magasin de la ville, celui d’un tailleur ; les larges vitres de sa devanture laissent voir, sous une rangée de becs de gaz surmontés d’abat-jour en porcelaine, des draps de différentes qualités à demi déployés, près d’une gravure de mode, sur une pente en bois de noyer.

À peu de distance du tailleur, et séparée seulement de lui par une boulangerie, s’ouvrait la petite boutique de la modiste dont la devanture noire était décorée de filets d’or. Au-dessus de la porte on lisait : mademoiselle perrauld, et sur la vitre, en lettres de cuivre : modes.

C’était derrière cette vitre qu’apparaissait le profil pâle et sérieux de la jeune fille, toujours penchée vers son ouvrage, et qui ne le relevait pas pour regarder ceux qui la considéraient de la rue. Elle était brune : ses cheveux simplement nattés et relevés en couronne sur sa tête, donnaient à son visage une sorte de dignité douce, qui contrastait avec l’expression humble et craintive de ses traits.

Elle était toujours seule et ne semblait disposée à lier connaissance avec personne. Depuis quinze jours qu’elle était là, aucune cliente n’était encore entrée dans son magasin ; elle n’avait donc pas échangé un mot avec un être vivant, si ce n’est avec la fille d’un pécheur, qui venait le matin lui appor-