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logis comptent les jours monotones avec une morne résignation.

F… qui, d’après les statistiques, renferme quinze mille habitants, semble, pendant l’hiver, presque inhabité. On déserte complètement la plage que les vents formidables qui soufflent du large rendent peu abordable. Les lames courent sans façon sur la promenade et viennent souvent fouetter les maisons qui font face à la mer. Le casino, l’hôtel des bains, sont abandonnés. La mer seule s’avise quelquefois de venir les visiter ; elle enfonce les portes, brise les fenêtres, et se roule sur les parquets dans les chambres démeublées. On se replie donc vers le centre de la ville et on n’en bouge plus.

La ville est construite dans une étroite vallée, rendue plus étroite encore par la rivière qui coule au pied d’une des collines, et ce peu d’espace entre une falaise et l’autre explique la conformation bizarre de F…, qui est tout en longueur. Qu’on se figure l’épine dorsale d’un poisson munie de ses arêtes transversales, et on aura une idée très-nette de la configuration des rues. L’arête principale représentera la rue des Bains, qui est à peu près longue d’une lieue ; les arêtes transversales figureront les ruelles, de trois cents pas au plus, qui débouchent, à droite au pied d’une des falaises, à gauche sur les quais qui bordent le port. Les quais sont parallèles à la rue principale, mais n’atteignent pas le quart de sa longueur. Là on a plus d’espace devant les yeux et plus d’air que dans l’unique rue étroite et maussade.