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être, j’envierai celle qui est là couchée sous ce drap mortuaire.

Lorsque la messe fut terminée, elle laissa sortir tout le monde et attendit quelques instants encore. Quand elle sortit à son tour, elle aperçut, en avant d’une file de voitures, les panaches blancs du corbillard, et le tricorne galonné d’argent du cocher ; elle vit les passants soulever leur chapeau au passage du cortège qui remontait lentement la rue de Lafayette.

Elle reprit le fiacre qui l’attendait et se fit conduire au Père-Lachaise par un autre chemin.

Après avoir acheté deux couronnes, elle entra au cimetière, et, à travers l’agglomération des tombes, elle gagna par derrière le monument de sa mère. Il était facile de se cacher dans ce fouillis de colonnes, de stèles, de croix. Elle vit qu’on avait écarté la pierre du tombeau ; la maçonnerie presque neuve encore apparaissait ; le regard de Lucienne plongea avec horreur dans ce trou carré, où sa place était marquée et qui devait un jour ou l’autre l’engloutir.

Puis elle attendit, lisant distraitement des épitaphes sur des tombes d’inconnus. D’autres convois traversaient le cimetière, elle les suivait des yeux, croyant toujours que c’était le sien.

Elle reconnut enfin les carapaces des chevaux et les panaches blancs du corbillard.

Le clergé descendit de voiture et entoura la tombe. Beaucoup des invités s’étant esquivés durant le tra-