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— La pauvre fille qui joue ici mon rôle n’usurpe pas, comme je l’aurais fait, ces ornements blancs, symbole de pureté, se disait Lucienne, attentive dans son coin obscur.

Une cinquantaine de personnes étaient entrées dans l’église à la suite du cercueil.

Les femmes étaient en toilettes sombres, mais très-élégantes ; elles échangeaient de loin, avec leurs connaissances, des demi-saluts et des demi-sourires. Lucienne les reconnaissait toutes et cherchait en vain sur leur visage l’ombre d’une émotion ; tous les assistants avaient la gravité que réclame la circonstance, mais rien de plus.

Le prêtre monta à l’autel, et la messe funèbre commença.

Les grondements vibrants de l’orgue qui soudain emplirent l’église, les accents lugubres des chantres, dont les voix alternaient avec la musique, produisirent une impression violente sur les nerfs surexcités de Lucienne. Elle courba la tête et étouffa ses sanglots dans son mouchoir. Pourquoi pleurait-elle ? elle n’eût pu le dire. Il y avait de la joie dans ses larmes ; une morne tristesse aussi, le sentiment de l’abandon dans lequel elle se trouvait, une vague appréhension de l’avenir.

— Je suis la seule à pleurer à mon enterrement, se disait-elle avec amertume. Quand je serai morte pour de bon, aurai-je gagné enfin des affections, serai-je entourée d’êtres chéris qui m’accompagneront de regrets et de larmes ? Si cela ne devait pas