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vre femme en a fait une maladie, le chagrin lui avait fait tourner son lait ; vous n’avez pas su ça ?

— Hélas ! non, je n’ai jamais, eu de vos nouvelles.

— Votre mère n’a plus jamais écrit, nous ne savions pas où vous étiez ; mais nous parlions sans cesse de vous… Et comme ça, vous êtes tout de même revenue voir si nous n’étions pas tons morts. Je comprends maintenant pourquoi vous vous informiez de nous chez la mère Bourguignon.

Lucienne n’avoua pas qu’elle était venue dans une tout autre intention ; elle laissa le père Grialvat dans cette erreur qui expliquait si naturellement sa présence au village.

— C’est le bon Dieu qui vous envoie, dit le paysan, car j’étais tout au fin bout de la misère et du découragement.

Si vraiment elle pouvait accomplir là une bonne action, remettre ce père de famille dans le chemin du travail, adoucir les derniers instants de cette pauvre martyre, la sauver peut-être, il semblait à Lucienne que beaucoup de ses fautes passées seraient effacées.

— Si elle pouvait guérir ! se disait-elle en regardant le visage pâle et émacié de la malade, je l’emmènerais avec moi ; ce serait une compagne, une sœur ; je ne serais plus seule au monde.

La voisine revint amenant le médecin, un brave homme simple et sans façon.

— Ça ne va donc pas, ma fille, dit-il en s’approchant du lit. Je vous trouve mieux cependant que