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XVII


Avant de se coucher, Lucienne regarda longuement le portrait d’Adrien à la lueur incertaine de la chandelle qui éclairait la chambre.

— Pauvre ami, pensait-elle, tu dois être aussi triste que moi et maudire comme moi la destinée qui nous sépare. Pourtant des êtres chers sont prés de toi, avec qui tu peux parler de celle qui est partie ; tandis que moi je n’entendrai de longtemps prononcer ton nom chéri, et moi-même je ne puis que le répéter tout bas. C’est si doux, cependant, de parler de ceux qu’on aime ! Mais j’ai mérité de souffrir et je n’ai pas le droit de me plaindre ; tandis que pour toi, doux cœur sans reproche, la plus légère peine est une injustice.

Elle baisa tendrement le portrait, puis le replaça dans sa valise.

— Sa pensée ne me cherche certainement pas au fond de ce petit village bourguignon, se dit-elle ; il serait bien surpris s’il me savait là, et s’il devinait ce que j’y viens faire.

Elle referma la valise et se déshabilla. Puis elle