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devant la beauté de la plage et la bonne tenue de l’établissement, bien fait d’ailleurs pour charmer les yeux.

En face des dernières maisons de la petite ville, humbles cabanes de pêcheurs à moitié ruinées, se dressent insolemment les écuries, les communs et les logements de ce que M. Duplanchet nomma son personnel ; puis la bâtisse tourne à angle droit et fait face à la mer. Elle se développe alors et rampe comme un reptile au pied de la falaise. Elle n’a qu’un étage, un rez-de-chaussée, couronné par une terrasse, et se compose d’une enfilade de salles, peu larges, mais en revanche d’une longueur extraordinaire. Les exigences du génie militaire ont motivé ce singulier mode architectural. Une batterie établie au flanc de la falaise surveille et défend les côtes, rien ne doit gêner la vue ni le tir, et le monument pour être toléré a dû s’aplatir le plus possible. Seuls deux pavillons de briques à toits en éteignoirs ont trouvé grâce et ont pu s’élever de trois étages, mais ils sont si éloignés l’un de l’autre que l’effet symétrique est perdu.

La construction de ce long édifice est d’une légèreté extrême, et il n’est pas sans danger de se promener sur les terrasses. Un jour, une dame étrangère s’y étant hasardée, le sol se creva sous ses pas comme une peau de tambour et deux individus qui jouaient au billard furent assez surpris de voir apparaître au-dessus de leurs têtes deux jambes en détresse qui s’agitaient. Depuis cet événement tra-